Allo? par Didier Chabbert

Piste d'écriture: au téléphone.

Plusieurs mois, vraiment ? Oui dans les années soixante il fallait plusieurs mois pour être raccordé au téléphone et voir arriver dans la maison un appareil tout gris avec son cadran et son fil spiralé. À peine est-il  là qu’il commence à poser problème.    
Où va-t-on l’installer, où le technicien mettra-t-il la prise pour le brancher ? L’autorité, à cette époque, je veux dire le père, décidera de l’emplacement et fixera les règles d’usage, elles sont simples : interdit aux enfants ! Comment oublier le bruit du cadran qu’on tourne d’un doigt, il y avait trois lettres  et quatre chiffres dans un numéro d’appel. Comment oublier cette sonnerie qui interpellait tant elle était peu fréquente ? Passer un appel était très rare, soit appeler un parent âgé ou malade résidant à l’autre bout de la France, soit je ne sais pas, mais très rare aussi. Le courrier restait le moyen habituel de communiquer avec les personnes éloignées. On ne téléphonait pas pour prendre rendez-vous chez le médecin, on se déplaçait au cabinet. Le téléphone coûtait cher, et la nouveauté n’avait pas encore pris d’habitudes. Quelques années plus tard, je me souviens d’un répertoire venu se poser près de l’appareil. Il était bien maigre et ne comportait que les noms et numéros des proches et de la famille et puis celui des pompiers parce qu’on ne sait jamais.

Le temps passant, l’usage devint plus fréquent, le téléphone pouvait se décrocher de son socle. Désormais autorisés à l'employer, parce qu’adolescents, nous trouvions bien pratique de l’emporter dans la chambre pour appeler les copains et les copines. Parfois, le temps était dépassé de manière abusive et on se trouvait priés de raccrocher, sous peine d’interdiction pour plusieurs semaines. Cependant,il était impossible de savoir quand le temps était dépassé, il n’y avait pas de règle à ce sujet…

En quelle année le téléphone s’est-il désolidarisé de la maison ? Dix ans après moi… Disons dans les années 1980. Il était énorme le premier téléphone portable, à peu près comme le combiné de la maison. Sa taille a diminué d’année en année. Les fonctions évoluaient pour rendre son usage plus simple.

Ensuite est venu le téléphone à clapet, attirant par son aspect et sa facilité à rentrer dans une poche. Puis tout est allé très vite, les formes, les couleurs, les marques, tout changeait, une nouveauté aussitôt remplacée par une autre. Bientôt le téléphone portable se dota d’un appareil photo, et la publicité pour ces appareils n’avait d’égal que leur coût qui augmentait à mesure que telle ou telle fonction supplémentaire s'implantait. Leur taille avait cessé de diminuer et au contraire ils devenaient plus grands et rentraient difficilement dans la poche.

Et quand on a commencé à parler de 3G, on a compris que le téléphone portable était mort, remplacé définitivement par le smartphone, 3G, 4G, 5G.

Smartphone mon amour ou smartphone, mon ennemi ?

Il est mon amour pour téléphoner, envoyer des messages, utiliser internet, prendre des photos.

Il est mon ennemi parce qu’il me contraint de plus en plus, par des services en ligne, SNCF, banque, impôts, Doctolib, etc.

Il est mon ennemi lorsqu’il m’envahit de mails et de spam, mais ce sont aussi les smartphones des autres qui me dérangent par leur sonnerie au cinéma, par les conversations dans le bus, le train.

Et le mien m’horripile par ses mises à jour incessantes, parce qu’on ne peut plus vivre sans, parce qu’il devient obsolète au bout de deux ans. Mais quand il veut m’étouffer, je résiste, et pour avoir la paix, avoir un moment de répit, je l’éteins. Alors, tout simplement, je reprends ma liberté, ma douce liberté d’avant.

Photo de Wesley Hilario sur Unsplash

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